Andrei Zainouldinov https://orcid.org/0000-0003-2245-5156 Dorota T. Szmidt https://orcid.org/0000-0002-8150-976X Universitat de Barcelona


Les étiquettes lexicographiques de la valorisation émotionnelle

dans la phraséologie russe et polonaise1


Résumé

Le présent travail concerne l’aspect pragmatique de la signification. Il est basé sur la phraséologie russe et polonaise qui contient une évaluation émotionnelle négative ou positive. Cette recherche se veut une aide à la résolution de plusieurs problèmes relatifs aux étiquettes lexicographiques en proposant un nouveau système d’étiquettes expressives. Les auteurs considèrent que l’évaluation émotionnelle peut être définie en termes de caractéristiques relativement objectives. Le travail offre un nouveau type de classification des unités phraséologiques basé sur les GLT (groupes lexico-thématiques).


Mots-clés: sémantique, pragmatique, évaluation émotionnelle, phraséologie russe et polonaise, lexicographie


Introduction

A notre sens, la présentation des unités linguistiques des dictionnaires contemporains russes et polonais ne permettent pas de faire une description des unités phraséologiques russes et polonaises. Cette présentation devrait reposer sur une base pragmatique qui, jusqu’à présent, n’a pas été prise en compte dans l’élaboration de ces dictionnaires.

Le présent travail concerne précisément l’aspect pragmatique de la sémantique des uni- tés linguistiques. Il est basé sur le matériel de la phraséologie qui exprime la valorisation


1 Cette recherche s’inscrit dans le cadre du projet SOMEMBED-SLANG: Comprension del lenguaje en los medios de comunicacion social – Ministerio de Economia y Competitividad de España.

émotionnelle positive ou négative dans les langues russe et polonaise. En ce qui concerne notre position théorique, elle s’inscrit dans le cadre de la théorie de l’actiologie expressive et émotive qui actuellement est en train de se formuler par de nombreux chercheurs. Par la suite, nous exposons quelques idées qui sont à la base de cette théorie.


Le rôle de la métaphorisation dans la valorisation émotionnelle

La signification métaphorique du mot est un composant du sens léxical qui transmet des représentations additionnelles. Cette façon d’envisager le problème provient de la tra- dition philologique russe (les travaux de A.A. Potiebnia, D.N. Ovsianniko-Kulikovski, entre autres) et aussi des conceptions de V. Humbolt, Ch. Bally qui considèrent qu’à la base de l’idée de la forme interne du mot il y a une motivation métaphorique et asso- ciative. Plusieurs autres chercheurs de tradition occidentale ont parlé d’un rôle spécial de l’analogie et de la motivation dans la langue (Lakoff 1987, Pastor 1996: 121). Potieb- nia (1999: 125): « la forme interne n’est pas seulement une unité réelle, elle donne aussi la connaissance de cette unité; elle n’est pas l’image de l’objet mais l’image de l’image, c’est-à-dire la représentation.»

La figurativité est un constituant sémantique qui reflète les représentations associées à un mot déterminé et, à travers ce constituant, à une marque concrète et à un phénomène nommé par ce mot. Pour être plus précis, les caractéristiques fixées derrière la signifi- cation figurative du mot peuvent être présupposées ou bien reformulées. La spécificité de la figutativité comme moyen de la création de l’expressivité, conditionne l’utilisation des sèmes connotatifs (y compris ceux de la valorisation émotionnelle) qui se superposent à la signification dénotative et à la séparation des fonctions de la prédication et de l’identi- fication. Ainsi, la figurativité de la valorisation émotionnelle, qui détermine la prédication, possède une force d’action plus élevée.

Il nous semble essentiel de souligner que les racines de la figurativité linguistique se trouvent non pas dans la sémantique mais dans le thésaurus, le système de significa- tions (Black, 1962). Comme nous l’avons déjà dit, les caractéristiques fixées derrière la signification figurative du mot peuvent être présupposées ou reformulées. La possibilité de percevoir simultanément la notion ancienne et nouvelle à la base de la loi de l’asso- ciation définit la double dimension des unités linguistiques. En même temps, l’évidence sensuelle du signe conditionne l’apparition de la valorisation émotionnelle comme une variété particulière de l’expressivité: «l’image provoque une réaction émotionnelle» (Telija 1986: 14).

Par conséquent, nous pouvons affirmer que la figurativité est un sub-composant de la catégorie valorisation émotionnelle dans le schéma suivant: expressivité > émoti- vité > valorisation émotionnelle (Zainouldinov 2009: 30).

Les marqueurs qui fixent la valorisation émotionnelle des unités phraséologiques sont les suivants:

  1. la présence de la figurativité basée sur le caractère métaphorique: пальчики оближешь /pal’čiki obližeš (russe), palce lizać (pol.) «à s’en lécher les doigts», –

    ‘à propos de quelque chose qui est très bon’;

  2. la présence d’une motivation sémantique peu claire, conditionnée par une forme sonore exotique des composantes de l’unité phraséologique: нести ахинею / nesti axineju (russe) – ‘raconter des bêtises’; figle migle (pol.) – ‘des jeux ou des facéties stupides’, mieć fisia – ‘être fou’.

Nous pouvons adopter comme point de départ l’opinion d’Afanasev, selon laquelle

«les mots qui signifient la lumière, l’éclat et la chaleur ont servi, en plus, à exprimer les notions du bien, du bonheur, de la beauté, de la santé, de la richesse et de la fécondi- té» (Afanasev 1994: 94). De cette façon, l’opposition «en bas – en haut» qui se réfère à l’opposition «la terre – le ciel» a conditionné une valorisation émotionnelle positive des unités lexicales et phraséologiques qui concernent la sphère du ciel. En russe nous trouvons par exemple:

звезда первой величины / zvezda pervoj veličiny «une étoile de premier ordre» – ‘une personne célèbre’; звёздный час / zvëzdnyj čas «le temps des étoiles» – ‘le sommet du succès, la meilleure époque’, путеводная звезда / putevodnaja zvezda «l’étoile qui montre le chemin» – ‘un guide, une personne qui détermine la vie de quelqu’un’; хватать звёзды с неба / xvatat’zvezdy s neba «attraper les étoiles du ciel» – ‘posséder des habilités exceptionnelles, obtenir quelque chose d’exceptionnel’; манна небесная / manna nebes- naja «la manne du ciel» – ‘quelque chose de très positif qu’on attendait avec désespoir’, небесная благодать / nebesnaja blagodat’ «cadeau du ciel» – ‘un cadeau inespéré’; en polonais wschodząca gwiazda, (en russe: восходящая звезда / vosxodjaščaja zvezda)

«une étoile montante» – ‘une personne qui est en train de devenir célèbre’; w siódmym niebie (en russe: на седьмом небе / na sed’mom nebe) «au septième ciel» – ‘très heu- reux’; et aussi dać gwiazdkę z nieba «donner une étoile du ciel» – ‘donner tout ce qui est possible’; niebiańsko piękny «beau comme venu du ciel» – ‘très beau’.

Évidemment, les origines de cette perception se trouvent dans les représentations my- thologiques y compris les cultes des antiques slaves qui avaient «divinisé des éléments, des phénomènes de la nature, des astres, du feu et de l’eau» (Famintsev 1995: 34).

Dans la linguistique russe, il existe un nombre considérable d’observations qui indiquent indirectement l’importance des composants des unités phraséologiques du point de vue de la valorisation (les travaux de Mokienko, Melerovitch, Felitsina, les dictionnaires phra- séologiques): « en russe «кровь с молоком / krov’ s molokom «le sang et le lait (le visage blanc et les pommettes rouges)» – ‘la beauté, la preuve de la bonne santé, d’ici la tonalité positive de l’expression’» (Felitsina, Mokienko 1990: 77); «видеть (все) в розовом (радужном) свете / videt’ (vsë) v rozovom (radužnom) svete («voir (tout - la vie -) en rose») la couleur rose s’associait à la bonne santé, à la prospérité, à la placidité et à la perfection.» (Birikh, Mokienko, Stepanova 2001: 519).

«La conscience de l’importance de la base motivationnelle des phraséologismes – idiomatismes a déterminé la nécessité d’étudier la structure figurative propre de la forme interne, son caractère métaphorique, métonymique, etc., et aussi le rôle qu’y jouent des symboles et des quasi-symboles (par exemple, une lecture quasi symbolique du mot pyka – ręka – main dans les idiomes où ce composant s’associe à l’idée du pouvoir: держать в руках /derjat v rukax (russe) – trzymać w rękach (polonais) «avoir en

main» – ‘diriger, commander, avoir le contrôle de quelque chose’, et aussi des stan- dards ou des quasi-standards (du type: дрожать над каждой копейкой / drojat nad kajdoj kopiejkoj (russe) – trzęść się nad każdym groszem (polonais) «être près de ses sous» – ‘ne pas aimer dépenser de l’argent, être un avare’ (Telia 1996: 45, Wierzbicka 1996: 83). Tout ce que nous venons d’exposer se réfère non seulement à la sémantique figurative phraséologique mais aussi à la sémantique figurative lexicale de n’importe quel signe de valorisation.

Cette position est proche aux idées d’“empaquetage“ de la connaissance en forme de frames actionnels lesquels ont permis d’introduire dans la description la notion de pro- totype ou de la structure gestalt (Karaulov 1985, Wierzbicka 1996). Ces termes permettent de comprendre que la représentation, c’est-à-dire une forme plus concrète que la notion (image idéale), s’apparente à une « illustration» où il manquerait des détails secondaires pendant que les détails essentiels y seraient maintenus. Cette « illustration » présente des indices typiques des réalités désignées, basés sur la connaissance de ses caractéris- tiques réelles; elle correspond à une illustration «naïve» (selon J.D. Apresian) du monde, propre aux représentants d’une communauté donnée.

La motivation sémantique consiste en l’assimilation de deux objets selon la propriété qui leur est commune; elle est nommée indirectement à travers une image-symbole qui existe dans la conscience linguistique des porteurs d’une langue donnée comme une réalisation de cette propriété. Nous l’observons, par exemple, dans les caractéristiques associatives ou bien dans le sens figuré de la métaphore.

Wierzbicka (1996: 83) affirme qu’en mettant en relief des primitifs sémantiques (uni- tés élémentaires, indivisibles, d’une langue naturelle, à l’aide desquelles nous pouvons interpréter les significations des mots ou expressions plus grandes au sens sémantique) au niveau lexical nous pouvons définir des significations additionnelles d’un scénario prototypique qui ne sont pas motivées étymologiquement. A notre avis, en effet, les signifi- cations des scénarios ne sont pas motivées étymologiquement, mais l’étymologie (la forme interne), détermine le caractère de la valorisation d’une unité lexicale ou phraséologique.


L’hypothèse et la proposition d’étiquetage

Nous partons de l’hypothèse que la valorisation émotionnelle peut être définie et dé- crite sur la base de marqueurs linguistiques objectifs, à travers leurs composants qui se soumettent à l’analyse objective et à l’analyse informatique des données (Zainouldinov 2007: 30). Autrement dit, nous pouvons objectiver l’intuition linguistique du chercheur en utilisant les critères linguistiques et la description lexicographique. Nous considérons que la signification de la forme interne des composantes des unités phraséologiques (la motivation sémantique) est le critère de l’apparition de la valorisation émotionnelle au niveau phraséologique. Dans les paragraphes suivants nous présentons notre proposition d’étiquetage des unités phraséologiques de la valorisation émotionnelle.

Les types de la valorisation émotionnelle et ses étiquettes

L’étiquetage de la valorisation émotionnelle qui existe dans les dictionnaires des phra- séologies russe et polonaise ne s’utilise pas d’une manière systématique. Pour cette raison, nous proposons une classification des étiquettes qui est basée sur les concepts pragma- tiques que nous commentons plus bas, dans le chapitre 2.2. Quelques-unes des étiquettes négatives proposées s’utilisent dans les dictionnaires lexiques russes et polonais mais il n’y existe aucun critère de différenciation d’étiquetage.


La valorisation émotionnelle positive

Parmi les étiquettes de la valorisation émotionnelle positive au niveau phraséologique nous proposons de distinguer:

stupide, bête’; вяленая вобла / vjalenaja vobla (russe) «un poisson flasque» – ‘mépr. extr. Une personne apathique, sans opinion’; wymokły śledź (pol.) «un hareng trem- pé» – ‘mépr. extr. Un homme pâle, très peu attractif’.


La base des étiquettes lexicographiques proposées

Les désignations des étiquettes de la valorisation émotionnelle que nous proposons ici sont basées sur la tradition lexicographique russe. Dans la tradition lexicographique polonaise les étiquettes expressives sont similaires à celles qui s’utilisent dans la tradition russe (la correspondance aux termes russes que nous présentons ici provient du, déjà cité,

«Wielki słownik frazeologiczny języka polskiego» Müldner-Nieckowski 2004). Nous tenons à faire remarquer que les désignations que nous utilisons sont, dans une grande mesure, conventionnelles et que, généralement, dans la réalisation de la fonction expres- sive de la langue pas toutes les unités lexicales et phraséologiques sont étiquetées sur la base de critères nettement établis par les chercheurs. Pour cette raison, notre matériel nous permet de proposer seulement huit types de valorisation émotionnelle en utilisant leur différenciation interne. Le terme «désapprobation extrême» n’a pas de tradition lexicographique, mais il semble plus opportun en comparaison avec d’autres étiquettes lexicographiques de type similaire utilisées de façon usuelle dans les dictionnaires lexiques (russes: «порицательное / poricatel’noje», «укоризненное / ukoriznennoje»,

«предосудительно / predosuditel’no», «грубое / gruboje», «бранное / brannoje», po- lonaises: «pouczający», «użalający się», «naganny», «wulgarny», «obelżywy» – qui se traduisent en français comme «reprobateur», «avec reproche», «répréhensible», «grossier»,

«injure»). Le terme «дружелюбное /druželjubnoje» «amical» est utilisé ici de manière systémique suivant Zaynouldinov (1987).

En ce qui concerne l’étiquette lexicographique de «ироничное / ironičnoje» (russe),

«ironiczny» (pol.) «ironique», les auteurs se retrouvent avec Telija (1986) qui considère (de même que «шутливое / šutlivoje» (russe), «żartobliwy» (pol.), sa traduction fran- çaise «plaisant»), que du point de vue émotionnel, ces mots caractérisent plutôt les actes de parole que les sentiments-relations. De façon similaire «высокое / vysokoje» (russe),

«podniosły» (pol.) «soutenu»; «торжественное / toržestvennoje» (russe), «uroczysty» (pol.) «solennel» définissent le type de traitement et non pas l’expression désignée. De fa- çon analogue «грубо-просторечное /grubo-prostorečnoje» (russe), «obelżywy-wulgarny» (pol.) «injurieux-vulgaire» et «фамильярное / familjarnoje» (russe), «poufały» (pol.)

«familier» se réfèrent au type de traitement, caractérisant les participants de l’acte de pa- role, et non pas ce qui y est désigné) (Telija 1986: 129). Conformément à cela, l’étiquette

«ироничное / ironičnoje» (russe), «ironiczny» (pol.) «ironique», ne peut être considérée comme appartenant aux étiquettes de la valorisation émotionnelle et c’est pourquoi elle peut se combiner avec celles-ci, par exemple:

ни бэ ни мэ (ни кукареку) / ni bè ni mè (ni kukureku) (russe), ni be ni me ni kukuryku (pol.) «ni bééé, ni meuh ni cocorico» – ‘mépr. extr., iron. À propos d’une personne peu instruite, ignorante’; гигант мысли / gigant mysli «le géant de la pensée» – ‘(fam.)

désappr. iron. À propos d’une personne peu intelligente, pseudo-savante’. En polonais: bawić się w profesora «jouer au professeur» – ‘désappr. iron. À propos d’une personne qui veut se faire passer pour un sage’.

Il faut signaler que le système des étiquettes lexicographiques de valorisation émo- tionnelle des unités phraséologiques est très complexe à cause du caractère syncrétique de leur sémantique; dans ce cas, les auteurs utilisent dans le registre positif les étiquettes mixtes du type ‘appr./admir.’ et dans le négatif du type mépr./mépr. extr.


La référence aux groupes lexico-thématiques comme critère

de valorisation

Nous voulons aussi mettre en relief une régularité valorisative et émotionnelle que l’on trouve dans l’usage des unités phraséologiques et qui garde une relation avec les groupes lexico-thématiques, GLT (en russe ЛТГ, en anglais LTG). Cette régularité, jusqu’à présent non décrite, consiste dans le fait que l’appartenance du premier sens nominatif d’un composant de l’unité phraséologique à un GLT donné détermine l’apparition d’une sémantique secondaire de valorisation émotionnelle des unités phraséologiques (du type positif ou négatif). Les unités linguistiques proposées pour l’analyse sont phraséologiques, mais il semble inutile d’utiliser le terme de «groupes phraséologiques-thématiques» car, en principe, ils ne diffèrent pas des groupes lexico-thématiques.

Ainsi, dans le spectre positif nous avons:

GLT concernant la divinité, le ciel:

не житьё – просто рай / ne žitë – prosto raj (russe), nie życie, a raj (pol.) «ce n’est pas une vie, c’est un paradis» – ‘une vie heureuse’, рай земной / raj zemnoj (russe), raj na ziemi (pol.) «un paradis sur terre» – ‘à propos des conditions excellentes’; быть на седьмом небе /byt’ na sed’mom nebe (russe), być w siódmym niebie (pol.) «se trouver au septième ciel» – ‘se sentir heureux’.

GLT concernant la préciosité:

моё сокровище / moë sokrovišče (russe), mój skarb (pol.) «mon trésor» – ‘à propos d’une personne aimée’; на вес золота / na ves zolota (russe), na wagę złota (pol.) «à prix d’or» – ‘à propos de quelque chose de très cher’, золотые руки / zolotye ruki (russe), złote ręce (pol.) «les mains en or» – ‘à propos de quelqu’un de très habile’.

GLT de l’éclat, de la brillance, de la lumière:

с блеском / s bleskom; во всём блескe / vo vsëm bleske «éclatant; en pleine lueur» – ‘très bien’; звезда первой величины / zvezda piervoj veličiny (russe) «une étoile de pre- mier ordre» – ‘à propos de quelqu’un de très celèbre , piękna jak jutrzenka (pol.) «belle comme l’aurore» – ‘très belle; świetlana wizja przyszłości (pol.) «une vision brillante du futur» – ‘une vision très optimiste du futur’; błyszczeć w towarzystwie (pol.) «briller en société» – ‘jouer un premier rôle dans la société’; być w blasku sławy (pol.) «être sous les feux de la rampe» – ‘être très célèbre’.

GLT de la douceur:

не жизнь, а малина / ne žizn’, a malina (russe) «ce n’est pas une vie, c’est de la fram- boise» – ‘à propos d’une vie très heureuse’; медовый месяц / medovyj mesjac (russe),

miodowy miesiąc (pol.) «le mois de miel» – ‘la lune de miel’; все в шоколаде / vsë v šokolade (russe) «tout en chocolat» – ‘tout est parfait’; słodkie słówka (pol.) «les mots doux» – ‘les mots agréables; robić słodkie oczy «faire des yeux doux» – ‘faire un regard agréable.

GTL du magique:

маг и волшебник / mag i volšebnik (russe) «le magicien et l’enchanteur» – ‘une personne qui peut tout faire’; чудо из чудес / čudo uz čudes (russe) «un miracle des miracles» – ‘excellent, parfait’; волшебные слова / volsebnye slova (russe), magiczne słowa (pol.)

«les mots magiques» – ‘Les mots parfaits, les mots agréables’; восьмое чудо света

/ voc’moe čudo sveta (russe), ósmy cud świata «une huitième merveille du monde» –

‘à propos d’une chose très belle’. GTL du notable, de l’illustre:

кум королю / kum kopolju (russe) «le parrain du roi» – ‘à propos d’une personne qui vit très bien’; с царём в голове / s carëm v golove (russe) «avoir le tsar dans la tête» – ‘à propos d’une personne intelligente, pratique’; po królewsku (pol.) «comme un roi» – ‘très bien’; bawić się jak król (pol.) «fêter comme un roi» – ‘fêter très bien’; królować w towarzystwie (pol.) «être un roi dans la société (briller dans la société)» – ‘jouer un rôle de premier plan dans la société’.

Les sèmes continus du type «magique», «céleste», «brillant», «douceur», «préciosité» du spectre positif, conditionnent l’apparition des quasi-stéréotypes de valorisation: ангел

/angel (russe), anioł (pol.) «ange»; чудо/ čudo (russe), cud (pol.) «miracle»; волшебный

/volšebnyj (russe), magiczny (pol.) «magique»; золото / zoloto (russe), złoto (pol.) «or»;

солнце / solnce (russe), słońce (pol.) «soleil»; звезда / zvezda (russe), gwiazda (pol.)

«étoile»; рай / raj (russe), raj (pol.) «paradis» et d’autres.

Dans le spectre négatif nous avons:

GTL du noir, du ténébreux:

en russe чёрная душа / čërnaja duša «une âme noire» – ‘une mauvaise personne’; чёрными красками /čërnymi kraskami «en couleurs noirs» – ‘une perception négative’; чёрное дело / čërnoe delo «une affaire noire» – ‘quelque chose de mauvais’; чёрный день / čërnyj den’ «une journée noire» – ‘une mauvaise journée’; тёмное дело / tëmnoe delo «une affaire obscure» – ‘quelque chose de mauvais’; en polonais czarny charakter

«un caractère noir» – ‘un personnage mauvais’; ciemny typ «un personnage obscur» – ‘un personnage suspect’; spod ciemnej gwiazdy «sous l’influence d’une mauvaise étoile» – ‘un personnage suspect’; widzieć w czarnych kolorach «voir en couleurs noirs» – ‘avoir une perception négative’.

GTL du diable:

en russe ад кромешный / ad kromešnyj (dans ce phraséologisme il existe aussi le sème du noir, d’obscure dû au composant кромешный / kromešnyj) «enfer ténébreux» – ‘une vie malheureuse’; исчадие ада / isčade ada (czarci pomiot – pol.) «une créature de l’enfer, de Satan» – ‘une personne mauvaise’; ад в душе / ad v duše «l’enfer dans l’âme» – ‘mau- vaise conscience, conflit intérieur’; en polonais aussi: unikać jak diabła «éviter quelqu’un comme s’il était le diable» – ‘éviter quelqu’un’; diabli nadali «le diable l’a emmené» – ‘à propos de quelqu’un ou de quelque chose d’inopportun’.

GLT du bois:

en russe бревно неотёсанное / brevno neotësannoe «du bois non taillé» – ‘à propos de quelqu’un de rude, sans éducation’; голова еловая /golova elovaja «une tête de sapin» – ‘à propos de quelqu’un de stupide’; дубина безголовая (еловая) / dubina bezgolovaja (elovaja) «une massue sans tête (de sapin)» – ‘à propos de quelqu’un de stupide’; дубовая голова (башка) / dubovaja golova (baška) «une tête de chêne» – ‘à propos de quelqu’un de stupide’; стоять как пень «rester planté comme une souche» – ‘ne pas bouger’; чурка с глазами/ čurka s glazami «un billot avec des yeux» – ‘À propos de quelqu’un de stu- pide’; глуп как пень/ glup kak pen’ «bête comme une souche» – ‘très bête’; en polonais głupi jak polano «bête comme une bûche» – ‘très bête’; głuchy jak pień «sourd comme une souche» – ‘très sourd’; siedzieć kołkiem «être figé comme un pieu (sans bouger)» – ‘être assis sans bouger’.

GTL de la paille:

en russe соломенная душа / solomennaja duša «une âme de paille» – ‘à propos d’une personne peureuse, lâche’; голова мякиной набита / golova mjakinoj nabita «une tête pleine de paille» – ‘très bête’; толоконный лоб / tolokonnyj lob «une tête d’avoine» – ‘têtu et bête’; сено-солома / seno-soloma «foin et paille» – ‘bête, qui bouge peu’; en polonais słomiany zapał «enthousiasme de paille» – ‘enthousiasme qui finit très vite’; słoma mu wyłazi z butów «on voit la paille qui sort de ses chaussures» – ‘on perçoit son origine paysanne’; młócić słomę «battre la paille» – ‘parler sans dire rien de nouveau’.

GLT du vide:

en russe пустая башка (голова) / pustaja baška «une tête vide» – ‘à propos de quelqu’un de très bête; голова дырявая / golova dyrjavaja «une tête trouée» – ‘à propos de quelqu’un de très bête; пустые звуки / pustyje zvuki «les sons vides» – ‘les paroles sans effet; пустой карман / pustoj karman «la poche vide» – ‘sans argent’; пустые слова / pustyje solova «les mots vides» – ‘les paroles sans effet’; en polonais dziurawe ręce «les mains trouées» – ‘à propos d’une personne qui dépense l’argent facilement’.

GTL de la saleté:

из грязи да в князи / iz grjazi da v knjazi «de la saleté au prince» – ‘à propos d’une personne d’origine humble qui a eu un succès dans la vie ’; марать бумагу / marat’ bumagu «noircir du papier» – ‘écrire mal’; марать мундир / marat’ mundir «souiller l’uniforme» ‘faire une mauvaise action étant militaire’; марать руки / marat’ ruki «se sa- lir les mains» – ‘faire une mauvaise action’; en polonais mieć brud na rękach «avoir les mains souillées» – ‘faire une mauvaise action’; prać brudy w domu «laver son linge sale en famille» – ‘ne pas parler des problèmes de famille devant les autres’; wywlekać brudy «traîner les saletés dehors» – ‘reprocher à quelqu’un sa mauvaise conduite’.

Nous pouvons constater que la modification des caractéristiques dépend de la sé- mantique primaire à la base du schéma de la métaphorisation: la sémantique primaire nominative – caractéristique modifiée – la signification secondaire de valorisation. Nous pouvons l’observer dans l’exemple suivant:

en russe железный / železnyj «de fer» ‘fort’; железный характер / železnyj xarak-

ter «un caractère de fer»; en polonais żelazne zdrowie «une santé de fer»; nerwy ze stali

«des nerfs d’acier».

Les particularités de la création et de l’utilisation de la phraséologie émotionnelle et de valorisation

Parmi les particularités de la création et de l’utilisation dans le discours des unités phraséologiques qui présentent une valorisation émotionnelle, nous voudrions distinguer la sensibilisation, la transformation et la transposition de valorisation.

Une particularité typique de l’utilisation des unités de valorisation émotionnelle (au niveau phraséologique, dans le cadre du contexte énonciatif) est la sensibilisation: le renforcement de la persuasion émotionnelle (Kiselëva 1978: 113). Puisque les unités phraséologiques représentent un mini-énoncé (au moins, du point de vue étymologique), il faut souligner le cas du renforcement de la valorisation du composant PhE (unité phraséologique). En plus, les attributs des composants de base, dont la sémantique lexicale contient déjà une valorisation émotionnelle, renforcent naturellement la persua- sion: отставной козы барабанщик / otstavnoj kozy barabanščik «joueur au tambour de la chèvre (en référence à un jeu de kermesse: un ours apprivoisé est porté par un garçon vêtu de chèvre et accompagné d’un autre garçon qui joue du tambour)» – ‘fam. mépris, moquerie ou ironie. À propos de quelqu’un peu important, placé en bas dans l’échelle sociale, qui veut être socialement reconnu’; гнус паршивый / gnus paršyvyj – «moustique dégoutant» ‘(vulgaire) extrêmement négatif. À propos de quelqu’un d’importun, fatigant; utilisé généralement comme une invective’; бред сивой кобылы в мутную ночь / bred sivoj kobyly v mutnuju noč’ «un délire d’une jument grise dans une nuit obscure» – ‘fam. Une bêtise, une absurdité’; en russe et en polonais масленое масло / maslenoe maslo masło maślane «le beurre beurré» – ‘à propos d’une explication où on répète la chose expliquée’; pijana owieczka we mgle «une brebis soule dans le brouillard» – ‘(moquerie). À propos de quelqu’un de perdu, qui ne comprend rien’.

Un trait typique pour les phraséologismes de la langue russe, c’est que pour la sen- sibilisation on utilise le cas instrumental: князь князем / knjaz’ knjazem «un prince est un prince»; дубина дубиной / dubina dubinoj «une massue est une massue.»; чурбан чурбаном / čurban čurbanom «une bûche est une bûche»; пень пнём / pen’ pnëm «une souche est une souche».

Les exemples donnés reflètent le principe de la redondance, caractéristique de la phra- séologie russe (Моkijenko 1989: 131). En polonais, ce phénomène ne s’observe pas dans le lexique de valorisation. Les phraséologismes peuvent aussi être formés à la base de l’intensification de la caractéristique (une sorte d’hyperbolisation), positive ou néga- tive: en russe комар носа не подточит / komap nosa ne podtočit «un moustique n’y émoussera pas son nez» – ‘ (fam.) approb. / admir. et plaisanterie. Très bien fait, il n’y a rien à reprocher’; семи пядей во лбу / semi pjadej vo lbu «(référence à une ancienne mesure de longueur russe)» – ‘(fam.) admir. À propos de quelqu’un particulièrement in- telligent’; без сучка без задоринки / bez sučka bez zadorinki «sans nœud, sans écharde» ‘(fam.) appr./admir. Sans empêchement, sans obstacles (marcher, agir etc,); en polonais bez ładu, bez składu «sans ordre, sans composition» – ‘n’importe comment’; na łeb, na szyję «sans se préoccuper de la tête et du cou» – ‘courir, faire quelque chose en toute hâte, sans réfléchir’.

La présence du sème de valorisation dans le sens primaire et en même temps l’agran- dissement du cercle des objets (ou personnes) qui peuvent être soumis à une valorisation émotionnelle, sont la voie de transformation de la sémantique nominative et valorisa- tive en sémantique générale et valorisative: слюнки текут / sljunki tekut (russe), ślinka cieknie (pol.) «en avoir l’eau à la bouche» – ‘1. (fam.) approb./admir. À propos d’une forte envie de manger quelque chose. 2. (fam.) approb. / admir. fig. À propos d’une forte envie d’acquérir quelque chose.’; пальчики оближешь / pal’čiki obližeš (russe) et palce lizać (pol.) «à s’en lécher les doigts» – ‘1. (fam.) admir. fig. À propos de quelque chose de très appétissant. 2. (fam.) approb./admir. fig. À propos de quelque chose d’excellent.’; хуже горькой редьки / xuže gor’koj red’ki (russe) «pire qu’un radis amère» – ‘(fam.) mépr. À propos de quelque chose ou quelqu’un d’insupportable’; Какая гадость! / kakaja gadost’ (russe) et co za świństwo! (pol.) «quelle cochonnerie!» – ‘(fam.) mépr. / désappr. extr. ‘Expression de désapprobation extrême’.

Il y a des unités phraséologiques similaires qui, selon la loi de l’économie linguistique, se transforment en interjections pour caractériser un destinataire, un objet, un signe ou une situation. En russe nous avons par exemple (dans le spectre positif):

в ажуре / v ažure «ajouré» – ‘parfait’; без ума / bez uma «sans raison» – ‘follement’; на ять / na jat’ «(référence à l’ancienne lettre russe)» – ‘parfait’; на диво / na divo «sur- prenant» – ‘parfait’; разлюли-малина / razljuli-malina «framboise-délice» – ‘parfait’; en polonais: na sto dwa «pour un cent deux» – ‘parfait’; mucha nie siada «une mouche ne s’y assoie pas» – ‘parfait’.

Jusqu’à un certain point (au moins dans la partie des caractéristiques de la valorisation) nous le retrouvons aussi dans les unités comme: рай земной / raj zemnoj (russe), raj na ziemi (pol.) «paradis sur terre» – ‘une vie très heureuse’; на вес золота / na ves zolota (russe) et na wagę złota (pol.) «au poids d’or» – ‘très précieux’; земля обетованная / zemlja obetovannaja «la terre promise» – ‘un lieux parfait’.

L’ironie est une transposition de valorisation systémique où il y a une modification de la sémantique primaire positive: xорошенькое (хорошее) дело! / xorošen’koe (xorošee) delo (russe) et ładne rzeczy «des jolies choses»! – ‘(fam.) désappr. iron. Je n’approuve pas ce qui se passe’; Геракл сушеный / Gerakl sušenyj (russe) – ‘(argot) mépr. Un traitement ironique envers un homme qui se considère très fort sans raison’; en polonais niezły z niego artysta «regardez-le, quel artiste», – ‘(fam.) iron. ‘Un traitement ironique d’un homme rusé qui se comporte d’une manière particulière’.


Conclusions

Pour conclure, nous tenons à souligner les régularités de formation des valorisations positive et négative qui, à notre avis, confirment l’existence de la sémantique de valo- risation comme un système unitaire. Par ailleurs, il n’y a pas de grande différence dans la structure figurative et dans les modes de formation de la valorisation nominative dans les langues russe et polonaise. Ceci est déterminé par le fait que ces deux langues par- tagent une même civilisation, une même culture chrétienne et ont une origine linguistique

commune. Dans les deux langues, la valorisation négative prévaut sur la positive. Il est possible qu’il y ait une tendance à accentuer plutôt un écart de la norme qui est perçue négativement. Au niveau des substantifs, en tant que composants des unités phraséolo- giques, on fait une valorisation négative des qualités plus concrètes et une valorisation positive des qualités plus générales.

Sans doute, l’analyse détaillée de l’objet de cette recherche déborde le cadre du présent article. Néanmoins, ce qui y est exposé permet de déterminer certaines régularités de for- mation et d’utilisation des unités phraséologiques dans l’aspect de la pragmalinguistique. Ceci nous semble utile à la description phraséologique pour l’élaboration de dictionnaires unilingues, bilingues et multilingues et aussi dans l’enseignement de la phraséologie des langues russe et polonaise, en ce qui concerne la stylistique pratique, à des niveaux élevés de leur enseignement.


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Abstract

Lexicographical labels of emotional evaluation in Russian and Polish phraseology

The article considers the pragmatic aspect of meaning. The analysis is based on Russian and Polish phraseology which has a positive or negative emotional evaluation. This analysis helps to resolve various problems with lexicographical labels and creates a new improved system of expressive labels. The authors argue that emotional evaluation can be objectively defined. A new type of classification based on GLT (lexical-thematic groups) is offered.


Keywords: semantics, pragmatics, emotional evaluation, Russian and Polish phraseology, lexicography


Streszczenie

Kwalifikatory leksykograficzne wartościowania emocjonalnego w rosyjskiej i polskiej frazeologii

Artykuł odnosi się do znaczenia w jego aspekcie pragmatycznym. Analiza przeprowadzona została na podstawie frazeologii rosyjskiej i polskiej zawierającej waloryzację emocjonalną ujemną i dodatnią. Praca ta może być pomocna w rozwiązywaniu problemów związanych z etykietami leksykograficznymi, proponuje bowiem nowy system etykiet ekspresywnych. Autorzy uważają, że waloryzacja emocjonalna może być zdefiniowana poprzez cechy względnie obiektywne. Zaproponowano ponadto nowy typ klasyfikacji jednostek frazeologicznych mający za podstawę GLT (grupy leksykalno-tematyczne).


Słowa kluczowe: semantyka, pragmatyka, waloryzacja emocjonalna, frazeologia rosyjska i polska, leksykografia