https://doi.org/10.25312/j.9222


Anna Kucharska https://orcid.org/0000-0002-2318-5971 John Paul II Catholic University of Lublin

e-mail: akucharska@kul.pl


La posture de l’apprenant de FLE pendant une tâche d’écriture d’une dissertation

The FFL learner’s posture during an essay writing task


Résumé

Cet article se concentre sur la posture de l’élève lors de la rédaction d’une dissertation. Chaque élève, lorsqu’il est confronté à une tâche éducative, adopte certaines postures, c’est-à-dire une certaine façon de réagir à la situation. Étant donné que le processus éducatif se déroule dans un environnement artificiel, où l’enseignant et les élèves ont des rôles prédéfinis, les postures des élèves face à l’exécution de cette tâche peuvent varier. Notre objectif est de déterminer si les étudiants adoptent une posture réflexive ou s’ils traitent cette activité de manière irréfléchie, en se limitant à l’accomplissement de la tâche. Les observations présentées dans cet article seront basées sur l’analyse des travaux des étudiants et sur les résultats du questionnaire.

Mots-clés : posture, dissertation, écriture, texte


Abstract

This article focuses on the student’s posture when writing an essay. Every student, when confronted with an educational task, adopts certain postures, i.e. a certain way of responding to the situation. Due to the fact that the educational process takes place in an artificial environment, where the teacher and students have their predefined roles, students’ postures towards the performance of this task may vary. Our aim is to investigate whether students display a reflective posture, or whether they treat this activity in an unreflective manner, limited only to completing the task. The observations presented in this paper will be based on the analysis of students’ papers and the results of the questionnaire.

Keywords: posture, essay, writing, text

Introduction

Il est inévitable de commencer nos réflexions avec les constatations provenant du domaine sociologique puisque les questions que nous voudrions aborder concernent la posture de l’apprenant par rapport à l’activité d’écriture pendant le cours de FLE. L’article traite des attitudes des apprenants envers les tâches universitaires qui sont formalisées par les règles sociales en vigueur dans les institutions de formation. L’analyse détaillée des questions mentionnées ci-dessus fait partie de la sociologie. Nous voulons cependant nous focaliser sur l’impact de l’attitude des apprenants sur leurs prestations linguistiques manifestées dans les dissertations écrites pendant un cours de FLE. Premièrement il semble essentiel de décrire le milieu éducatif dans lequel se déroule l’appropriation du FLE puisque ses caractéristiques peuvent avoir un impact sur le comportement des apprenants.


Le milieu éducatif

Bien que la langue constitue un moyen de communication naturel, utilisé dans la vie quotidienne, son appropriation se déroule dans le milieu artificiel de la classe. Dans la suite de l’article, nous clarifierons notre point de vue. Il nous semble utile de faire réfé- rence à la théorie du système d’enseignement institutionnalisé présentée par Bourdieu (1970 : 70) selon laquelle les enseignants sont pourvus de l’autorité pédagogique qui leur permet d’imposer aux apprenants la culture dominante par le biais des significations qui définissent cette culture (Bourdieu, 1970 : 22). L’auteur applique sa théorie au fonction- nement de toute instance (y compris l’université) qui exerce son autorité pédagogique au titre de mandataire social. Les récepteurs pédagogiques sont censés d’emblée accepter les règles qui régissent les situations d’enseignement (Bourdieu, 1970 : 36). Grâce à cette prémisse, l’enseignant décide que la classe de langues devient une gare, un restaurant ou autre lieu utile pour créer des situations de communication en langue étrangère. Il s’agit ici de la compression de l’espace (Cuq, Gruca, 2005 : 126), le phénomène à la fois nécessaire mais qui fait en même temps de la classe un milieu artificiel de la communication par rapport au milieu naturel. Cette forme sociale caractérisée entre autre par scripturalisation des savoirs, formes des discours spécialisées est une forme scolaire selon Schneuwly (2007 : 15). Les éléments de la situation de communication (espace, destinateur, desti- nataire, ecc.) sont constitutifs du contexte de production des textes. Celui-ci détermine la structure, l’organisation, le contenu du texte (Bronckart, 1997 : 95). Le type de textes1 qui nous intéresse particulièrement au cours de nos réflexions est le texte argumentatif dont la dissertation2 constitue un exemple.


1 On utilise le terme de type de textes suite aux constatations de Wojciechowska (2017 : 104–105)

2 La dissertation est décrite dans la partie suivante où on essaie d’expliquer pourquoi on classifie la dissertation parmi d’autres textes argumentatifs.

Le texte argumentatif et la dissertation

Grâce à l’autorité pédagogique, l’enseignant a le droit de demander aux apprenants de ré- diger les textes argumentatifs sur les sujets qu’il choisit. Thyrion (2011 : 92) constate que cette fonction fait de l’enseignant un élément de l’espace de production et de son contexte parce que c’est lui qui propose le sujet et détermine les règles de la composition (le nombre de mots, l’autorisation d’utiliser des dictionnaires etc.). D’autre part il est le seul destina- taire dans le processus de communication. La situation devient encore plus compliquée quand on se rend compte que les caractéristiques de la dissertation ne sont pas stables et fixes (Mikolajczak-Thyrion, 1992 : 62 ; Scheepers, 2013 : 112–113 ; Gabor, 2014 : 70).

Les origines de la dissertation en tant que texte scolaire remontent aux temps de la IIIe République où elle fut introduite dans le système éducatif français comme un genre antirhé- torique qui servait à perfectionner le style. À partir de 1960, la dissertation est considérée comme un exercice de rhétorique (Collinet, 2014 : 96–97). Cette double caractéristique de la dissertation observable au cours des siècles se manifeste aujourd’hui dans son hé- térogénéité que montre par exemple la typologie de Schweepers (2013 : 97–115), selon laquelle au-delà des dissertations à visée argumentative il y a des dissertations informatives. En même temps, la dissertation est remise en question par beaucoup de linguistes et spécialistes en didactique en tant que genre artificiel, scolaire qui n’existe pas dans une vé- ritable situation d’énonciation (Charolles, 1990 ; Beacco, 2007 : 238), un écho des pratiques scripturales des jésuites (De Mauro, Gensini, 1999 : 163–164). Il y a aussi ceux qui défendent la présence de la dissertation dans la formation et apprécient son caractère personnel et

réfléchi qui la rapproche de l’essai critique (Bertolotti, Montali, Saviano, 2008 : 2017).

Certainement, les apprenants ont aussi leur opinion sur les tâches relatives à l’écriture, y compris la dissertation. Leur attitude se traduit par les postures qu’ils adoptent pour écrire une dissertation. On passe maintenant à la définition de la posture du point de vue didactique.


Posture

Les réflexions présentées dans cet article se concentrent sur la notion de posture de l’ap- prenant. Ce terme manque de précisions et de critères mais il est présent dans la littérature depuis les années quatre-vingt-dix. Premièrement, on précise quelle acception de ce terme on adopte pour nos analyses.

Selon la définition du terme dans le langage courant, la posture est « l’attitude parti- culière du corps (surtout lorsqu’elle est peu naturelle) » (Rey, 1995).

Les spécialistes en didactique font référence à cette définition générale qui met en évidence son caractère corporel (Passerieux, 2008 : 8–10). Ils se concentrent sur la des- cription des contraintes scolaires affrontées par les élèves de l’école maternelle qui sont supposés se comporter selon certaines règles formalisées et peu naturelles, comme par exemple lever la main pour prendre la parole, s’approcher du tableau, etc. Ce le moment où l’enfant adopte une posture d’élève. Ces schémas comportementaux sont étroitement

liés aux pratiques langagières qui se manifestent par des formules ritualisées de la com- munication entre les professeurs et les élèves, mais aussi par des énoncés créés par eux. Pour bien expliquer la notion Bucheton (2017) présente un exemple de cycliste expé- rimenté qui dispose d’un éventail de postures qu’il applique pour parcourir un trajet de façon efficace, voire s’ajuster aux côtes et aux descentes, gérer les virages. De la même façon un apprenant face à des tâches didactiques décide d’adopter des postures différentes selon les contextes pour perfectionner ses performances, pour exprimer son attitude, pour

montrer sa personnalité, etc.

Chabanne et Bucheton (1998 : 28) développent la thèse de l’impact des postures adop- tées par les apprenants sur leurs prestations linguistiques, or dans la réalisation d’une tâche ce ne sont pas seulement les connaissances et les compétences linguistiques des appre- nants qui sont en jeu mais aussi leur posture, c’est-à-dire leur attitude envers cette tâche à accomplir. On appellera « postures » des schèmes d’actions cognitives et langagières disponibles, préformées, que le sujet convoque en réponse à une situation rencontrée. » (Chabanne, Bucheton, 1998 : 20). Boucheton et Soulé (2009 : 39) ont identifié 6 postures chez les apprenants :

  1. La posture première où les élèves s’engagent à effectuer la tâche sans trop réfléchir. Les idées leur viennent à l’esprit de façon spontanée et chaotique et les apprenants ne s’ef- forcent pas à les organiser, à transformer. Ils effectuent la tâche sans y revenir davantage.

  2. La posture scolaire est dominée par l’obéissance. L’apprenant cherche à tout prix à suivre les normes et réaliser les tâches conformes aux règles.

  3. La posture ludique-créative caractérise l’apprenant qui essaie de détourner la tâche à son gré, d’y ajouter un brin de créativité.

  4. La posture dogmatique équivaut à ‘une non-curiosité affirmée’. L’apprenant qui adopte une telle posture est peu enclin à approprier de nouvelles connaissances parce qu’il croit déjà tout savoir et tout comprendre.

  5. La posture réflexive est celle que l’apprenant adopte non seulement pour bien effec- tuer la tâche, pour en profiter cognitivement, mais aussi pour y réfléchir. Il essaie de transposer les acquis provenant de cette tâche particulière dans son répertoire intellec- tuel et mental.

  6. La posture de refus caractérise l’apprenant qui renonce à faire, à apprendre, à suivre les règles.

On a déjà constaté que l’apprenant peut manifester plusieurs postures en fonction de la tâche à accomplir. Essayons d’analyser maintenant la posture de l’apprenant par rapport à la production écrite en LE et particulièrement à la dissertation.

Pour essayer de trouver la réponse on analyse la posture des étudiants-scripteurs.


La recherche

Les résultats ici présentés font partie d’une vaste recherche sur le caractère argumentatif des dissertations (Kucharska, 2019) Cette recherche a été menée pendant l’année universi- taire 2016/2017 sur un groupe d’une centaine d’étudiants (N = 101) de la IIème et IIIème

année de Philologie Romane de plusieurs universités de Pologne (Université Catholique de Lublin Jean-Paul II, Université de Varsovie, Université de pédagogie « Commission de l’Éducation nationale » de Cracovie, Université de Wrocław). On leur a demandé d’écrire deux dissertations ; une sur un thème jugé standard et usuel « Vaut-il mieux vivre à la campagne ou en ville ? », l’autre sur un thème considéré controverse et actuel, discuté à l’époque, après une série d’attentats « Les musulmans constituent-ils une menace ou une richesse pour l’Europe ? ».3 Ces compositions nous servent de source d’information sur l’apprenant-scripteur, plus particulièrement sur l’image qu’il donne de soi. Nous comptons les occurrences des pronoms sujet ‘je’ et ‘nous’ (et les formes qui y se réfèrent comme les adjectifs et les pronoms possessifs par exemple) en analysant leur utilisation. De plus, après la tâche d’écriture, on a demandé aux étudiants4 de remplir un question- naire sur leurs opinions sur l’écriture pendant le cours du FLE. On a collecté les réponses à l’aide d’une échelle Likert en 5 points. Cependant, pour les calculs statistiques on a ad- ditionné les résultats de ‘je suis d’accord’ et ‘je suis tout à fait d’accord’ ainsi que ‘je ne suis pas d’accord’ et ‘je ne suis pas du tout d’accord’. Plusieurs questions ont pour but de vérifier s’il y a un impact du sujet de la dissertation sur la posture des scripteurs. Les résultats ont été confrontés et soumis au test des rangs de Wilcoxon. Celui-ci permet de constater si les différences sont statistiquement significatives. Les calculs ont été effectués

avec le logiciel Statistica 13.

On espère que les données recueillies nous fourniront des informations sur la posture des étudiants-scripteurs par rapport à la dissertation. Les types de posture énumérés ci-dessus concernent le comportement des apprenants dans son ensemble. Pour juger de quelle posture représente un apprenant particulier il faudrait l’observer pendant la réali- sation des plusieurs activités. Dans notre cas nous avons affaire avec les compositions et les questionnaires, or avec les résultats matériels de la réalisation de la tâche par rapport à laquelle les étudiants ont adopté une posture. En nous basant sur la théorie de deux mo- dèles d’écriture élaborée par Bereiter et Scardamalia (2009 : 10–13) (knowledge telling vs knowledge transforming) on suppose que l’analyse des textes des apprenants nous permet de constater s’ils adoptent la posture première ou la posture réflexive.

Nous nous sommes posés une question de recherche suivante :

Quelle posture première ou réflexive adoptent les étudiants en écrivant des dissrtations en FLE ?

Pour essayer de répondre à cette question il serait utile d’analyser les résultats du questionnaire dont plusieurs questions5 portent sur l’attitude des étudiants vers l’écriture des textes.

La première constatation a pour but d’observer si les apprenants aiment écrire des compositions :


3 Le but de proposer ce sujet controverse qui aurait pu évoquer des opinions raciales était loin de propager les idées offensantes. À l’époque, les attentats ont donné lieu aux discussions animées dans toute l’Europe. Notre objec- tif était de proposer un sujet qui incite à argumenter qui inspire à une vraie discussion.

4 Cependant, on a réussi de ramasser seulement 62 questionnaires.

5 Même si l’on a affaire avec les constatations, du point de vue méthodologique, on peut les nommer les ques- tions (Rubacha, 2008 : 175).

1. J’aime écrire les compositions dans le cadre des cours en LE.

Les résultats montrent que 40 % des répondants sont d’accord et qu’environ le même nombre d’étudiants n’aime pas cette activité. On voit que pour presque la moitié des étudiants, l’élaboration des textes écrits est une activité fastidieuse.



Fig.1. Les réponses à la question 1

Source : élaboration personnelle.


Il nous semble utile de voir si les apprenants perçoivent l’utilité de la tâche d’écriture de textes. On leur demande :

13. Il est inutile d’écrire les compositions en LE parce qu’elles ne sont pas applicables aux activités réelles de la vie quotidienne et professionnelle.

Il n’y a que quelques étudiants (6 %) qui sont d’accord avec cette constatation. La plupart d’eux trouvent que l’écriture est utile.




Fig. 2. Les réponses à la question 13

Source : élaboration personnelle.

Une série de questions a pour but de vérifier si le sujet de la composition (standard ou controverse) a un impact sur l’attitude des étudiants. Pour atteindre cet objectif on a créé 4 paires de questions parallèles.


La première paire de questions porte sur les préférences des apprenants.




Fig. 3. Les réponses aux questions 23 et 24

Source : élaboration personnelle.


Tab. 1. Les résultats du test des rangs de Wilcoxon des questions 23 et 24

Ques- tion A

Ques- tion B

A Supérieur

Égaux

B Supérieur

Test de Wilcoxon

N

en

pourc.

N

en

pourc.

N

en

pourc.

Z

p

23

24

20

32,3 %

19

30,6 %

23

37,1 %

-0,226

0,821

Source : élaboration personnelle.


On voit qu’il y a une petite différence dans le nombre de personnes qui aiment écrire les textes en fonction du sujet mais elle n’est pas statistiquement significative.6

Deux questions suivantes ont pour but de vérifier si les apprenants présentent leurs opinions personnelles dans les compositions universitaires.


6 La p-value marquée est supérieure au seuil de signification p = 0,05 on ne peut pas rejeter l’hypothèse H0 : D (le nombre de différences sauf 0 = -D).


%

60


50


40


30


20


10


0

Je ne suis pas du tout d'accord


Je ne suis pas d’accord


Je ne sais pas


Je suis d’accord


Je suis tout à fait d’accord


Sujet standard Sujet controverse

Fig. 4. Les réponses aux questions 25 et 26

Source : élaboration personnelle.


Tab. 2. Les résultats du test des rangs de Wilcoxon des questions 25 et 26


Ques- tion A

Ques- tion B

A Supérieur

Égaux

B Supérieur

Test de Wilcoxon

N

en

pourc.

N

en

pourc.

N

en

pourc.

Z

p

25

26

12

19,4 %

34

54,8 %

16

25,8 %

-1,315

0,189

Source : élaboration personnelle.


Les résultats montrent que les étudiants présentent leurs opinions personnelles en dépit du sujet7 ce qui pourrait prouver leur engagement et la réflexion sur le contenu.

Il semble utile de savoir si les apprenants croient que le seul lecteur de leurs compo- sitions s’intéresse aux opinions personnelles y présentées.


7 La p-value marquée est supérieure au seuil de signification p=0,05 on ne peut pas rejeter l’hypothèse H0 : D (le nombre de différences sauf 0 = -D).




Fig. 5. Les réponses aux questions 27 et 28

Source : élaboration personnelle.


Tab. 3. Les résultats du test des rangs de Wilcoxon des questions 27 et 28


Ques- tion A

Ques- tion B

A Supérieur

Égaux

B Supérieur

Test de Wilcoxon

N

en

pourc.

N

en

pourc.

N

en

pourc.

Z

p

27

28

3

4,8 %

50

80,6 %

9

14,5 %

-1,989

0,047*

Source : élaboration personnelle.


Les différences sont significatives,8 ce qui signifie que les étudiants-scripteurs per- çoivent une différence dans la réception de leurs textes aux yeux du professeur. Ils sup- posent que les opinions exprimées dans les textes controverses suscitent l’intérêt donc ils peuvent être plus motivés à mettre de l’effort pour bien transmettre leurs idées. Leurs compositions nécessitent peut-être plus de réflexions et de travail.

Les différences les plus visibles concernent le niveau estimé de difficulté de la tâche.


8 La p-value marquée avec l’astérisque est inférieure au seuil de signification p = 0,05 on rejette l’hypothèse H0 : D (le nombre de différences sauf 0 = -D) au profit de l’hypothèse H1 : D>-D et D -D.




Fig. 6. Les réponses aux questions 29 et 30

Source : élaboration personnelle.


Les résultats peuvent suggérer que la difficulté perçue est liée à l’effort intellectuel qui résulte des réflexions sur le sujet controverse parce que les différences sont statisti- quement significatives.9


Tab. 4. Les résultats du test des rangs de Wilcoxon des questions 29 et 30


Ques- tion A

Ques- tion B

A Supérieur

Égaux

B Supérieur

Test de Wilcoxon

N

en

pourc.

N

en

pourc.

N

en

pourc.

Z

p

29

30

6

9,7 %

26

41,9 %

30

48,4 %

-3,882

0,000*

Source : élaboration personnelle.


Les résultats cités ci-dessus permettent de constater que les étudiants trouvent les tâches d’écritures nécessaires et utiles pour l’appropriation de la langue. Leur attitude ambiva- lente se manifeste par la répartition presque égale des opinions favorables et défavorables sur les activités d’écriture en LE. Quel que soit le sujet de la dissertation ils y expriment leurs opinions personnelles ce qui peut suggérer qu’ils adoptent la posture réflexive. En outre, ils confirment que le processus d’écriture de la dissertation sur le sujet controverse est plus difficile et exigeant que celui sur le sujet standard. Cette constatation nous laisse supposer qu’ils doivent mettre plus d’effort en réfléchissant sur le contenu, en essayant de bien choisir le vocabulaire et d’organiser leur discours de façon qu’il soit intéressant


9 La p-value marquée avec l’astérisque est inférieure au seuil de signification p = 0,05 on rejette l’hypothèse H0 : D (le nombre de différences sauf 0 = -D) au profit de l’hypothèse H1 : D > -D et D -D.

et compréhensible au professeur qui selon eux veut connaître leurs opinions. En bref, ils font de leur mieux pour bien écrire la composition. Cette attitude constitue une prémisse significative pour constater qu’ils adoptent la posture réflexive particulièrement pendant le travail sur le texte relatif au sujet controverse.

Pour approfondir les analyses on procède à l’examen des pronoms personnels sujet, ainsi que des formes des pronoms et des adjectifs possessifs qui se réfèrent au sujet, utilisés par les apprenants. Cela nous permet de déterminer comment le scripteur se présente devant son public/son professeur ce qui constituera un apport important pour les conclusions finales et la réponse à la question de recherche. On observe que les étudiants utilisent la première personne du singulier en tant que le moi-scripteur et le moi-expert.10

Le personnage du moi-scripteur sert à exprimer les opinions personnelles du scripteur soulignées par des expressions qui expriment explicitement leur subjectivité. Le critère qui permet de classifier un énoncé en tant que porteur de marque de moi-scripteur est la présence des expressions comme par exemple : à mon avis, selon moi. On les observe dans les énoncés suivants :

A111: La réponse dépend des besoins individuels, mais à mon avis, il vaut mieux vivre dans une ville.

A2 : Personnellement, je crois que c’est mieux habiter en grande ville.

De plus, dans trois dissertations les scripteurs se décrivent et se désignent par un at- tribut, comme par exemple A19.

A19 : Moi, comme une jeune personne, je suis d’avis que la meilleure idée est de vivre dans une ville […].

Au total, on relève la présence du moi-scripteur dans 71 dissertations.

Le personnage du moi–expert se base sur l’expérience personnelle du scripteur de la vie en ville ou à la campagne, comme le font les personnes suivantes :

A6 : Je viens de la campagne et je trouve que c’est le meilleur lieu du monde à vivre, A6, A6.

A15 : Selon mes expériences je peux témoigner que quand je suis à Wrocław pour faire mes études, je perds beaucoup de temps […].

A29 : J’avais eu une opportunité de vivre en ville et à la campagne aussi donc je peux comparer ces deux endroits.

Le personnage du moi-expert est présent dans 25 dissertations. Une remarque inté- ressante peut être faite que dans la plupart des cas cités où le scripteur se réfère à son expérience ou à son passé, celle-ci est liée à la vie à la campagne. Cela pourrait signifier que le scripteur considère ses collègues aussi comme des lecteurs, ce qui n’arrive presque jamais dans les situations universitaires typiques. Puisque les scripteurs sont étudiants universitaires, ils tous sont contraints à vivre en ville (le professeur également passe la plupart de son temps en ville) donc ils connaissent tous les avantages et les inconvénients de la vie en ville, alors ce sont les scripteurs qui ont vécu à la campagne ou ceux qui


10 C’est nous qui proposons la terminologie.

11 On a numéroté toutes les compositions en assignant la lettre A ou B en fonction du sujet de la dissertation suivie du numéro séquentiel. Tous les fragments sont cités dans leurs versions originales sans aucune correction.

y séjournent souvent qui se sentent autorisés à souligner ce fait. Ils semblent se considérer comme experts par rapport à leurs collègues citadins.

L’analyse des occurrences du pronom nous pose des difficultés parce qu’il est difficile de distinguer le nous qui se réfère à moi et les occurrences du pronom nous de modestie. Cependant l’utilisation de nous en tant que moi et vous est une technique argumentative très efficace qui consiste à atténuer la distance entre le scripteur et son public. On décide de compter toutes les occurrences de nous avec l’impératif ou les expressions préposi- tionnelles qui d’après nous font preuve de l’intention du scripteur de donner l’impression de partager les opinions des destinataires.

A4 : Alors vivons à la campagne !

A25 : Depuis un certain temps beaucoup de nous face à la question où nous préférons vivre : en ville ou à la campagne.

On en observe 9 occurrences y compris une où nous est identifié aux êtres vivants. A8 : Nous ne sommes pas les êtres vivants le plus importants dans le cercle de vie.

Il n’y a aucune occurrence de nous en tant qu’experts dont l’expérience personnelle les rend légitimes à se prononcer sur des aspects positifs et négatifs de la vie en ville ou à la campagne.

Observons maintenant si le sujet a un impact sur la création du personnage du scrip- teur-étudiant dans la dissertation sur le sujet controverse. Pour pouvoir confronter les deux compositions on suit la typologie présentée auparavant. Premièrement, on procède à l’examen du personnage du moi-scripteur qui exprime ses opinions personnelles. Les exemples des énoncés où l’on relève les traces du moi-scripteur sont les suivants :

B2 : Je suis persuadée intimement que les musulmans constituent la grande menace pour l’Europe.

B63 : De mon point de vue, on ne devrait pas juger un livre à sa couverture. Tous les musulmans ne sont pas des terroristes.

Il y a quatre scripteurs qui se définissent et s’inscrivent dans le groupe des personnes tolérantes, comme par exemple B21.

B21 : Je ne suis pas l’islamophobique

On observe la présence du moi-scripteur exprimé explicitement dans 64 dissertations.

Dans 5 dissertations on note la présence du moi–expert qui se sent autorisé à exprimer ses opinions à la base de son expérience, comme B72.

B72 : J’étais en vacances en France, et je voyais comment les musulmans se comportent en relation avec les touristes et la communauté locale.

On observe plusieurs exemples de la présence de nous soit sous la forme du pronom sujet soit sous la forme correspondante de l’adjectif ou pronom possessif. Ce phénomène semble être imposé par le sujet. Étant donné qu’on demande aux étudiants de se prononcer sur l’Autre, c’est-à-dire sur les musulmans, il est évident qu’on introduit le contraste nous et eux. Les étudiants imitent cette structure, par conséquent, puisqu’il n’y a aucun musul- man parmi eux ils s’identifient facilement au groupe prédominant dans leur population, c’est-à-dire aux Européens et aux chrétiens.

B34 : Donc, les musulmans, ce sont les gens qui vivent parmi nous et nous devons les respecter.

Il y a 61 étudiants qui dans leurs compositions utilisent les formes de nous pour dimi- nuer la distance entre eux et leurs destinataires.

De même que dans les dissertations sur le sujet standard, dans les dissertations sur le sujet controverse on ne perçoit aucun cas de nous-expert.

Le nombre de dissertations où l’on observe des formes qui nous intéressent ne diffère pas beaucoup en fonction du sujet. Les étudiants essaient d’énumérer les arguments véridiques pour étayer leurs affirmations. Ils s’efforcent à être convaincants puisqu’ils appliquent des techniques argumentatives. Les scripteurs créent leur autorité en tant qu’experts en motivant leur position par leur expérience. Ils essaient de diminuer la distance entre eux et les destinataires ce qui constitue un efficace moyen rhétorique. Il est symptomatique que personne n’utilise la forme de nous-expert. Ce phénomène suscite de la curiosité parce que aucun apprenant ne se sent assez légitime pour exprimer ses opinions en qualité de représentant d’un groupe et à instruire les autres – ses collègues. Il nous vient une inter- prétation de cette situation qui nécessite une analyse encore plus profonde. On a tout de même l’impression que les étudiants se rendent compte de la situation formalisée de la communication incitée par la tâche d’écriture et ils s’expriment en faisant semblant de participer à un débat auquel ils participent tous et on peut observer la voix collective des étudiants dans les dissertations.

Pour conclure, en prenant en considérations nos observations relatives aux résultats du questionnaire et nos constatations qui résultent de l’analyse des formes ‘moi’ et ‘nous’ on peut répondre à la question de recherche que les étudiants adoptent la posture réflexive pendant la tâche de l’écriture des dissertations.


Conclusions

Dans le dernier fragment de la partie dédiée à la description de la recherche nous avons répondu à la question de recherche en constatant la posture réflexive chez les étudiants. Certes, nous pouvons objecter que cette opinion reste infondée, faute d’analyses appro- fondies. Nous sommes conscients qu’il est difficile de diagnostiquer une posture qui relève du domaine psychologique en nous appuyant sur leurs compositions et réponses subjectives aux questions du questionnaire. Cependant, les données réunies nous per- mettent d’observer la présence des techniques argumentatives. De plus, les résultats du questionnaire corroborent aussi notre réponse à la question de recherche. Les étudiants y confirment la volonté d’exprimer leurs opinions personnelles. Ils estiment plus difficile la tâche d’écriture de dissertation sur le sujet controversé ce qui peut être expliqué par l’effort cognitif qu’ils doivent entreprendre. Il se peut que pour écrire une composition sur le sujet standard ils ne doivent qu’ajouter quelques éléments à la structure textuelle déjà organisée qu’ils connaissent déjà suite aux expériences scripturales précédentes. Afin de juger la créativité des étudiants qui prouvera la posture réflexive, les analyses devraient porter sur tous les aspects des compositions. Toutefois on observe une composition qui ne respecte aucune règle de dissertation mais constitue un récit sur la vie de la famille X qui a déménagé d’une ville à la campagne. Cette composition échappe à toute analyse

citée au-dessus mais, selon nous, son auteur cherche à tout prix à éviter la monotonie de la dissertation sur le sujet standard et adopte la posture ludique pour apporter un brin de créativité à sa tâche.

Cependant, outre la posture réflexive que nous observons, nous avons l’impression que les apprenants adoptent une posture formalisée imposée par le milieu universitaire. Un étudiant en tant qu’individu s’identifie inconsciemment avec ses collègues, eux aussi étudiants. Nous avons l’impression que toutes les dissertations constituent des voix dans un grand débat où les étudiants échangent les opinions. C’est pourquoi ils utilisent sou- vent la forme nous qui sert à s’identifier et à faciliter la communication dans le groupe. C’est un phénomène intéressant parce qu’ils savent bien que leurs collègues ne vont pas lire ces textes. Nous pouvons donc supposer qu’ils imaginent la situation d’un débat et ils transcrivent le discours oral. Cette observation constitue un nouvel apport dans le do- maine de l’écriture pendant le cours de FLE. Le phénomène observé nécessite des études ultérieures approfondies. Toutefois il semble utile d’en profiter en esquissant de différents contextes de production écrite ou en proposant aux apprenant des tâches grâce auxquelles ils pourraient exercer leurs compétences en tant qu’acteur social.


Références

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Bereiter C., Scardamalia M. (2009), The Psychology of Written Composition, London : Law- rence Erlbaum Associates, Routlege.

Bertolotti A., Montali L., Saviano O. (2008), La prima prova scritta dell’esame di stato, Milano : Minerva Scuola.

Bourdieu P., Passeron J.C. (1970), La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris : Les Éditions de Minuit.

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